ecoforum fribourg
CONTEXTE
La biodiversité en Suisse est en mauvais état : les listes rouges ne cessent de s’allonger à tel point qu’aujourd’hui 36% des espèces de plantes, d’animaux et de champignons sont considérées comme menacées. Cette proportion est bien plus importante que dans la plupart des pays européens.
De la Grande Cariçaie aux sommets des Préalpes, le canton de Fribourg abrite de nombreuses richesses naturelles et porte une grande responsabilité pour les milieux humides et forestiers, en particulier ceux de l’étage subalpin. Toutefois le développement urbain, la mobilité et l’agriculture intensive mettent de plus en plus ces précieux habitats sous pression. Non seulement le nombre de surfaces dignes d’être conservées est insuffisant mais de plus la qualité de celles-ci nécessite d’être améliorée.
Il est aujourd’hui urgent d’agir : il est indispensable de protéger la diversité biologique et de la prendre davantage en compte dans toutes les activités existantes et dans chaque projet de développement.
Plusieurs organisations de protection de la nature, de l’environnement, du paysage et du patrimoine bâti se sont réunies afin de collaborer et de réunir leurs points de vue sur les problèmes environnementaux dans le canton de Fribourg. C’est avec cet objectif qu’est né notre regroupement d’associations : ECOFORUM.
Il regroupe aujourd’hui huit organisations : l’Association Transports et Environnement Fribourg (ATE), BirdLife Suisse, le Cercle Ornithologique de Fribourg (COF), la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (FP), Pro Fribourg, Pro Natura Fribourg, le Verein Kultur Natur Deutschfreiburg (KUND) et le WWF Fribourg.
L’ECOFORUM a élaboré, en prévision des prochaines élections cantonales de l’automne 2021 ce manifeste afin d’alerter les autorités cantonales sur ses revendications dans le domaine de la nature, de l’environnement, du paysage et du patrimoine bâti. Les treize mesures énoncées dans ce document énumèrent des obligations cantonales que l’Etat de Fribourg ne respecte pas encore car il n’a pas pris de mesures concrètes ou parce qu’il a cumulé un énorme retard dans leur mise en œuvre, malgré des délais légaux clairs et contraignants. Les associations de l’ECOFORUM demandent aux nouvelles élues et aux nouveaux élus de réaliser l’entier des mesures demandées par l’ECOFORUM avant 2026 (fin de la prochaine législature).
MESURE 1
Développer une infrastructure écologique fonctionnelle
Problématique
Pour assurer à long terme la préservation de la biodiversité et des services écosystémiques, il faut assurer une infrastructure écologique (IE) fonctionnelle sur le territoire. La Suisse est tout en queue de classement en termes de surfaces consacrées à la biodiversité (source Agence européenne pour l’environnement, 2020). Notre pays abrite aussi une très forte proportion d’espèces menacées (36% ; près de 50% si l’on prend en compte les espèces potentiellement menacées).
Afin de pouvoir assurer la biodiversité à long terme, l’IE doit être appliqué sur environ 30% du territoire national afin de pouvoir assurer la biodiversité à long terme (au moins 17% de zones centrales (ou zones protégées) et 13% d’aires de mises en réseau). Ces valeurs sont fondées sur des résultats scientifiques et bénéficient d’un large soutien politique international (la valeur de 17% de surfaces nationales protégées est l’objectif minimal d’Aichi no.11 du Plan stratégique sur la diversité biologique adopté par les parties contractantes de la Convention sur la Diversité Biologique CBD ratifiée par la Suisse).
Les zones centrales constituent la base de l’IE. Elles doivent être clairement définies spatialement et proté- gées de manière juridiquement contraignante. Conformément à la proposition du groupe d’experts «In- frastructure écologique», un nouvel inventaire fédéral des zones IE serait l’instrument le plus approprié pour la sauvegarde contraignante des zones non protégées (état actuel). La connaissance de l’état actuel des habitats de valeur écologique est une condition préalable à la mise en œuvre par les cantons. L’inventaire cantonal et les inventaires locaux des habitats protégés et des habitats dignes de protection doivent donc être évalués, mis à jour et complétés. Les habitats protégés et ceux dignes de protection doivent être plei- nement pris en compte dans l’aménagement du territoire cantonal et local.
Toutefois, le nombre, la taille et la répartition spatiale des zones centrales restantes disponibles aujourd’hui ne sont pas suffisants pour empêcher la perte progressive de la biodiversité. C’est pourquoi un IE fonction- nelle nécessite l’extension des zones centrales (état souhaité) qui sont à leur tour basées sur les exigences des habitats précieux et des espèces qui en dépendent. Un instrument approprié pour obtenir l’état souhai- té nécessaire est un concept fédéral selon l’art. 13 LAT, à décliner ensuite dans le plan directeur cantonal.
Des aires de mise en réseau supplémentaires sont nécessaires pour relier les zones centrales. Il s’agit de zones et d’espaces clairement définis qui relient les zones centrales et assurent la perméabilité du paysage pour les espèces. Un plan sectoriel fédéral au sens de l’art. 13 de la loi sur l’aménagement du territoire et les plans directeurs cantonaux qui en découlent constituent un instrument approprié pour réaliser la connec- tivité nécessaire au bon fonctionnement de l’infrastructure écologique. À cette fin, le paysage dans son ensemble doit être utilisé d’une manière plus compatible avec la biodiversité : des corridors écologiques doivent être établis, des obstacles supprimés et des passages à faune mis en place. Ces zones de connecti- vité doivent être prises en compte dans l’aménagement du territoire cantonal, local et sauvegardées à long terme.
Situation dans le Canton de Fribourg
De la Grande Cariçaie aux sommets des Préalpes, le canton de Fribourg abrite une diversité d’habitats et d’espèces remarquables. Il a une responsabilité particulière pour la sauvegarde des espèces et des biotopes des milieux humides, forestiers et de l’étage subalpin en particulier.
La démographie et l’urbanisation du canton a été supérieure à la moyenne suisse ces dernières années, en particulier sur le Plateau et en Gruyères. Le district de la Sarine par exemple a une moyenne de 488 habi- tants/km2 avec des régions qui varient entre 200 et 2000 habitants par km2. Cette situation conduit à une très forte pression sur les milieux naturels et proches de l’état naturel.
Avec un total d’environ 7’700 hectares, les biotopes d’importance nationale (bas-marais, les hauts-marais, les zones marécageuses, les sites de reproduction de batraciens, les zones alluviales et les prairies et pâturages secs d’importance nationale) représentent 4.5% de la surface du territoire FR. Si on élimine les surfaces qui se chevauchent entre les différents types de biotopes, on atteint une surface de 4700 hectares soit environ 2.8% de la surface du territoire FR. Les réserves forestières représentent 1.75% de la surface totale. A cela s’ajoutent les districts francs avec environ 3900 hectares (2.3%). Néanmoins, ces derniers sont favorables seulement pour un petit nombre d’espèces (grands mammifères) et de ce fait elles n’assurent pas une pro- tection adéquate de la biodiversité dans son ensemble. Les biotopes d’importances régionales et locales atteignent 390 hectares soit environ 0.23% de la surface FR. A noter que ce chiffre ne comprend pas les surfaces des sites de batraciens locales car à ce jour ces aires n’ont toujours pas été délimitées.
Le canton de Fribourg possède de grandes zones protégées, principalement sur la rive sud du lac de Neuchâ- tel (Grande Cariçaie) ainsi que dans les Préalpes fribourgeoises (districts francs). Afin de permettre une in- frastructure écologique fonctionnelle, il est nécessaire de compléter le dispositif de protection par des zones centrales, en particulier sur la Plateau (voir carte). Sur les 20 corridors faunistiques, 11 sont perturbés ou largement interrompus. Il est primordial d’assainir ces derniers. De plus, les corridors actuels sont conçus uniquement pour les grands mammifères or des corridors pour d’autres groupes tels que les insectes, les reptiles ou les amphibiens sont également nécessaires. A cela s’ajoute que la mise en œuvre des inventaires des biotopes d’importance nationale a pris un grand retard dans le canton de Fribourg. En effet, le dernier rapport de l’OFEV du 20 décembre 2019 démontre qu’il n’y a qu’un très faible nombre d’objet (moins de 10%) dont la mise en œuvre de la protection est achevée. (Voir fiche Mise en œuvre des inventaires des bio- topes et des sites marécageux protégés au niveau fédéral).
Le plan directeur cantonal révisé en 2019 comporte un chapitre réseaux écologiques assimilé à l’infrastruc- ture écologique. Néanmoins celui-ci ne tient pas suffisamment compte des déficits dans le canton de Fri- bourg. D’ailleurs il ne mentionne pas la création de nouvelles zones centrales.
De nombreux projets d’infrastructures ne respectant pas les besoins de la biodiversité sont toujours propo- sés dans le territoire, y compris des projets portant atteinte à des aires centrales de l’EI.
Biotopes d’importances nationales, cantonales et régionales (réunies en bleu et orange), les réserves forestières, les districts francs, les réserves privées (Pro Natura) ainsi que les corridors faunistiques dans le canton de Fribourg (territoires vaudois et bernois adjacents). *les districts francs ont une fonction de protection très limitée (uniquement pour les grands mammifères) et n’offrent pas une protection suffisante pour l’ensemble de la biodiversité.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Désigne via le plan d’action biodiversité cantonal et les instruments d’aménagement du territoire
de nouvelles aires protégées pouvant compléter le dispositif des aires centrales (nouvelles réserves forestières, réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs OROEM avec des dispositions de protection plus sévères par exemple). - Propose avec les communes de nouveaux objets d’importance cantonale et locale qui complètent les aires centrales existantes.
- Augmente les surfaces de promotion de la biodiversité de niveau II en quantité et en qualité pour contribuer au maintien de la biodiversité des milieux cultivés, toujours en déclin.
- Intègre systématiquement l’IE dans leur politique d’aménagement du territoire en collaboration avec les communes.
- Assainit tous les corridors faunistiques. Des corridors pour d’autres groupes tels que les insectes, les reptiles ou les amphibiens doivent être crées.
- Se dote des moyens financiers et humains suffisants pour accomplir ces tâches et en assurer le suivi.
MESURE 2
Mettre en œuvre les inventaires des biotopes et des sites marécageux protégés au niveau fédéral
Problématique
Les cinq inventaires fédéraux des biotopes protégés, soit des prairies sèches, des haut-marais, des bas-marais, des zones alluviales, des sites de reproduction des batraciens, ainsi que l’inventaire fédéral des sites marécageux, constituent le principal instrument de la Confédération pour assurer leur conservation et leur valorisation. Les inventaires reposent sur la documentation de l’état de valeurs naturelles ou paysagères rares ou menacées qui méritent d’être protégées et valorisées. La protection nécessite une garantie territoriale, la définition d’objectifs de protection généraux et spécifiques à chaque objet, ainsi que les mesures qui s’imposent. Le périmètre général est fixé par la Confédération, cependant, la mise en œuvre des mesures de protection et d’entretien des objets et, partant, la sauvegarde intacte et à long terme de ces derniers, relèvent de la compétence des cantons (art. 18a et 23c LPN).
Selon les différents textes des cinq ordonnances sur les biotopes, la mise en œuvre repose essentiellement sur :
- La protection contraignante pour les propriétaires fonciers.
- La conservation des objets garantie par des mesures d’entretien adéquates conformes aux objectifs de protection.
- La délimitation de zones-tampon suffisantes du point de vue écologique.
- La préservation à long terme de la qualité des objets conformément à l’objectif de protection, si nécessaire par des mesures d’assainissement.
Les conditions de conservation et de valorisation des objets sont très diverses. Pour rester intacts, les hauts-marais doivent pouvoir évoluer sans aucune intervention humaine, alors que les bas-marais et les prairies et pâturages secs ont besoin d’une exploitation agricole extensive. Pour les zones alluviales, c’est la dynamique qui est importante, avec des crues occasionnelles et des tronçons d’échange de matériaux (érosion et dépôt). Pour les sites de reproduction de batraciens, les éléments décisifs sont le débit des cours d’eau, l’absence de prédateurs tels que les poissons, ainsi que la présence de structures terrestres adéquates. Quant aux sites marécageux, leurs grandes dimensions nécessitent une prise en compte de leurs valeurs spécifiques dans le cadre de l’aménagement du territoire.
Situation dans le Canton de Fribourg
Selon le dernier rapport de l’OFEV « État de la mise en œuvre des inventaires de biotopes d’importance nationale » du 20 décembre 2019 le canton de Fribourg a pris un retard dramatique. Le tableau ci-dessous montre en effet que pour les cinq inventaires il n’y a qu’un très faible nombre d’objet dont la mise en œuvre de la protection est achevée.
L’OFEV a fixé la prochaine échéance à 2020. Autant dire que le tableau ne risque pas d’être bien plus réjouissant. Nous rappelons là qu’il s’agit des sites naturels les plus précieux de Suisse et que si rien n’est entrepris, les objectifs de protection ne pourront pas être atteints. Le rapport ne donne pas de précisions par canton, il nous est dès lors difficile de savoir exactement quel aspect de la mise en œuvre fait défaut. Si nous nous basons toutefois sur les réponses fournies par le Canton de Fribourg concernant la fixation des zones-tampon (tableau ci-dessous) il est flagrant de constater que Fribourg se situe en queue de classement avec des données pour le plus inconnues.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Met en œuvre la protection des objets d’importance nationale et établit pour chaque objet un plan de gestion.
- Vérifie l’aptitude des plans de gestion existants.
- Délimite les zones-tampon et veille à leur respect.
- Se dote de moyens financiers et personnel suffisants pour accomplir ces tâches et en assurer le suivi.
- Transmet aux ONG concernées le rapport adressé périodiquement à la Confédération de l’état de la mise en œuvre des objets figurant dans leurs inventaires.
MESURE 3
Favoriser la biodiversité en forêt
Problématique
La forêt recouvre 1.3 millions d'hectares en Suisse, soit 32% de la superficie nationale. Son rôle dans le maintien de la biodiversité est fondamental. En effet, sur les quelques 64'000 espèces identifiées à ce jour en Suisse, près de 40% sont fortement liées au milieu forestier. 9% des espèces forestières sont par ailleurs considérées comme menacées et 1’500 sont prioritaires au niveau national. Si la tendance générale est plutôt positive ces dernières années pour les populations d'oiseaux nicheurs forestiers, d'ongulés et de grands carnivores notamment, il en va autrement d'autres espèces spécialisées (chiroptères, coléoptères du bois et mollusques par exemple) et des déficits importants subsistent. Les phases tardives de la dynamique forestière (senescence) caractérisées par le bois mort et les vieux arbres restent rares, tout particulièrement dans les régions de basse et moyenne altitude. Or, un quart des espèces forestières sont tributaires de la présence de vieux bois et de bois mort. En Suisse, cela représente plus de 6000 espèces. Ces espèces saproxyliques ont des exigences diverses en termes de surfaces, d'essence et de stade de décomposition du bois. La quasiabsence de peuplement en phase de décrépitude dans les forêts exploitées est à compter parmi les plus grands déficits écologiques de la forêt suisse.
Le moyen principal de promotion du bois mort est la réserve forestière, zone dans laquelle la biodiversité est prioritaire sur tous les autres intérêts liés à la forêt. Il en existe deux types : la réserve forestière totale, dans laquelle la nature est entièrement laissée à elle-même, et la réserve forestière particulière, dans laquelle l'homme intervient avec retenue par des mesures ciblées favorisant certaines espèces.
Si ces réserves sont indispensables, il est toutefois nécessaire de les compléter par d'autres mesures comme les îlots de senescence et la protection des arbres-habitats ainsi que de garantir leur mise en réseau pour favoriser l'expansion des espèces menacées les occupant.
A ce jour, la surface totale des réserves forestières représente environ 6.3 % de la surface forestière suisse. Les lignes directrices pour une "Politique suisse en matière de réserves forestières" servent de modèle aux cantons pour établir leurs politiques cantonales en matière de réserves forestières. Elles fixent comme objectif à atteindre pour l'an 2030 que 10% de l'aire forestière soit classé en réserve forestière, dont la moitié en réserves totales. Ces réserves ne doivent être délimitées qu'en fonction d'objectifs qualitatifs clairs faisant partie d'une stratégie globale visant à favoriser la biodiversité.
Outre la problématique liée au bois mort, la biodiversité en forêt peut être favorisée de plusieurs manières,notamment avec l'aménagement de clairières et en particulier par la création de gouilles et d'étangs forestiers, favorables à de nombreuses espèces d'amphibiens, de chiroptères et d'odonates notamment. Ces aménagements sont à encourager.
Les lisières sont un milieu à haute valeur écologique qui offre un habitat à plusieurs espèces animales et végétales. Elles sont un trait d'union entre la forêt et la zone agricole et elles structurent le paysage. Ces lisières peuvent être valorisées, particulièrement dans les milieux naturels riches en espèces. Pour ce faire, elles doivent être étagées, posséder une ceinture buissonnante riche en épineux, être protégées par un ourlet herbeux exploité extensivement et enfin être reliées à d'autres éléments du paysage naturel comme les haies ou les bosquets.
Les espèces néophytes envahissantes (Solidago gigantea, Reynoutria japonica, Impatiens glandulifera, Buddleja davidii, etc.) se répandent rapidement et sont un problème important principalement dans les forêts claires, les lisières, les berges de ruisseaux et les forêts humides et alluviales. Elles prennent le pas sur la flore endémique et empêchent la régénération de la forêt en compromettant l'effet positif attendu des coupes de clairièrement sur la diversité des espèces.
Enfin, l'augmentation des activités en extérieur, notamment sportives, provoquent des dérangements conséquents dans le milieu forestier (principalement sur la grande faune et les oiseaux nicheurs). La pratique du VTT, en particulier, compte de plus en plus d'adeptes (probablement en raison de l'avènement des technologies électriques) et semble problématique avec la multiplication des pistes créées. Une planification semble urgemment nécessaire dans ce domaine où la législation est encore lacunaire.
Situation dans le canton de Fribourg
La surface forestière du canton de Fribourg est de plus de 43'700 hectares, soit 26% de la superficie cantonale. 25'800 hectares appartiennent à la collectivité publique, soit environ 60% de la surface forestière totale. 18'000 hectares sont des surfaces de forêt privée, soit 40% de la surface de forêt totale.
La longueur totale des lisières de forêt du canton de Fribourg est d'environ 7000 km.
Le volume de bois mort dans le canton de Fribourg est en moyenne de 33m3 par hectare, ce qui correspond à 8% du volume de bois total. Ces chiffres sont en dessus de la moyenne suisse (19m3/ha ou 5%). Cependant,il existe une grande disparité dans la répartition de ce bois mort. S’il est particulièrement élevé dans les Préalpes (57m3/ha ou 17% dans les Préalpes calcaires), il est nettement plus rare sur le plateau et se concentre essentiellement dans les réserves naturelles, forêts alluviales et dans les zones difficiles d'accès.
A ce jour, 14 réserves forestières ont été créées pour un total de 1164 hectares. Cela représente moins de 3% de la surface totale, ce qui se situe bien en deçà de l'objectif national qui est de 10% pour 2030. Il est à noter que la répartition de ces réserves n'est pas uniforme sur le territoire cantonal, la majorité se situant en région préalpine.
La Planification Directrice des Forêts Fribourgeoise (PDFF), élaborée en 2015, détermine la stratégie cantonale jusqu'à 2025. Cette planification prévoie la création de 400 îlots de senescence et l'identification ainsi que la préservation de 40'000 arbres-habitats (1 arbre-habitat/ha en moyenne cantonale, dont la mise sous contrat de 1200 de ces arbres). A ce jour, ces résultats sont loin d'être atteints. Le nombre d'îlots de senescence apparaît comme étant relativement faible. Pourtant, il s'agit d'une mesure relativement facile à mettre en place et peu coûteuse.
L'inventaire des sites abritant des espèces prioritaires pour lesquelles le canton a une responsabilité particulière, dont le délai prévu par la PDFF était fixé à 2016, n'a pas encore été effectué. Cet inventaire revêt une importance primordiale pour l'optimisation des mesures de protection. A noter également qu'il n'existe pas,actuellement, de liste d'espèces prioritaires au niveau cantonal.
Le plan d'action cantonal de lutte contre les espèces invasives (néobiontes) n'a pas encore été réalisé. LaPDFF prévoyait un délai à 2018.
Le canton de Fribourg n'a pas, à ce jour, de concept cantonal VTT. Un tel concept permettrait la planification et la coordination des différents projets cantonaux qui se multiplient au niveau local ces dernières années. Sans une planification précise, comprenant une estimation des besoins en infrastructure ainsi qu'une délimitation claire des zones où des pistes peuvent être créées, il n'est pas possible d'utiliser rationnellement le territoire forestier.
Revendications des ONG
L'État de Fribourg :
- Double la superficie des réserves forestières au niveau cantonal avant la fin de la prochaine législature et ce afin de se rapprocher de l'objectif fédéral des 10% repris par la PDFF.
- Augmente significativement le nombre d'îlots de senescence présents dans le canton, en favorisant des zones avec une forte densité d'îlots, et ce en priorité sur le plateau et dans les forêts alluviales.
- Encourage les prospections d'arbres-habitats et leur mise sous protection systématique.
- Soutient la recherche visant à combler les lacunes concernant la répartition et les exigences écologiques des espèces forestières aussi bien au niveau académique qu'au niveau des associations naturalistes locales.
- Promeut les autres types de mesures favorisant la biodiversité en forêt comme la création d'étangs forestiers et la valorisation des lisières.
- Rédige un plan cantonal de lutte contre les espèces invasives et intensifie sa lutte contre les néophytes envahissantes.
- Élabore un concept cantonal sur la création de pistes VTT. La création de nouvelles pistes VTT est suspendue jusqu'à l'élaboration d'un concept cantonal clair.
- Établit la liste des espèces prioritaires au niveau cantonal et inventorie les sites occupés par ces espèces.
- Se dote des moyens financiers et humains suffisants pour accomplir ces tâches et en assurer le suivi.
- Limite l'exploitation des forêts alluviales et détermine une zone tampon sans exploitation avec le cours d'eau.
MESURE 4
Protéger les zones humides existantes et créer des plans d’eau temporaires et permanents
Problématique
La Suisse est le château d’eau de l’Europe. Cette richesse hydrique a été à l’origine d’une grande diversité de marais dont il ne reste aujourd’hui que quelques rémanents. Les marais et autres zones humides ont été asséchés pour être transformés en terres cultivables ou en terrains à bâtir. En Suisse, on estime que près de 200’000 ha de terres ont été drainées pour en faire des terres agricoles, autant de milieux humides poten- tiels qui ont disparu.
Les amphibiens et autres espèces typiques des milieux humides ont ainsi perdu leur habitat. En consé- quence, 70% des espèces indigènes d’amphibiens sont actuellement sur la Liste rouge, ce qui en fait le groupe d’espèces le plus menacé en Suisse.
Les sites d’importance nationale ne représentent que 10% de l’ensemble des sites de reproduction répertoriés et ils ne peuvent rester fonctionnels à long terme que s’ils sont reliés. Il est en effet essential que les es- pèces puissent se déplacer d’un site à l’autre, ce qui n’est souvent pas le cas actuellement. Il est donc urgent de créer des plans d’eau temporaires – particulièrement importants pour les espèces menacées – et permanents pour relier les différents sites de reproduction, mais également les sites d’hivernage des amphibiens à leurs sites de reproduction.
L’article 18 de la loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) stipule que la disparition d’espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d’autres mesures appropriées. Cette même loi, comme son ordonnance d’application, désignent les milieux et espèces devant être protégés. Toutes les espèces d’amphibiens sont protégées, tout comme leurs lieux de reproduction. Ils bénéficient d’une ordonnance propre, l’Ordonnance sur la protection des sites de reproduction de batraciens d’importance nationale (OBat).
La protection des espèces constitue une tâche conjointe des cantons et de la Confédération, dont la mise en œuvre est assurée par les cantons et les communes.
A ce jour, la surface totale des réserves forestières représente environ 6.3 % de la surface forestière suisse. Les lignes directrices pour une «Politique suisse en matière de réserves forestières» servent de modèle aux cantons pour établir leurs politiques cantonales en matière de réserves forestières. Elles fixent comme objectif à atteindre pour l’an 2030 que 10% de l’aire forestière soit classé en réserve forestière, dont la moitié en réserves totales. Ces réserves ne doivent être délimitées qu’en fonction d’objectifs qualitatifs clairs faisant partie d’une stratégie globale visant à favoriser la biodiversité.
Situation dans le Canton de Fribourg
Le canton de Fribourg abrite 14 espèces d’amphibiens et il porte une responsabilité particulière pour leur protection. Dans son Plan directeur cantonal (T307/308/309 PDC) l’Etat de Fribourg s’engage à concrétiser la protection des espèces en protégeant et revitalisant les biotopes existants, et en créant de nouveaux biotopes. Il ne faut pas que cela demeure des promesses creuses, l’Etat ne doit pas tarder à concrétiser ses engagements.
Certaines communes n’ont pas encore achevé l’inventaire de leurs zones naturelles selon la procédure instituée par la Loi sur la protection de la nature et du paysage (LPNat). Le canton doit les contraindre à éta- blir un inventaire préalable des biotopes, à mettre en œuvre leur protection et leur conservation, voire leur revitalisation.
En parallèle, de nouvelles zones humides doivent être créées, en particulier en zone forestière et agricole, pour assurer la connectivité entre les milieux. Pour cela, il faut déterminer les sites potentiels, encourager
les propriétaires et les exploitants à y aménager des zones humides, grâce à des incitations financières et un service de conseil. Les surfaces appartenant à l’Etat doivent être exemplaires.
Comme le montre le graphique ci-dessous, plusieurs régions du canton de Fribourg ont une richesse en espèces d’amphibiens très élevée. Celles-ci représentent des zones de conservation prioritaires où doivent se concentrer les efforts de préservation et de restauration des biotopes.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Incite les communes à établir leurs inventaires des biotopes d’importance locale au plus tard, d’ici la fin de la prochaine législature et les assiste dans la mise en œuvre stricte de leur protection.
- Identifie les zones humides historiques et planifie leur revitalisation à court, moyen et long terme.
- Identifie les secteurs déficitaires en zones humides (surtout en zone forestière et agricole) et met en place des instruments légaux et financiers qui favorisent la création de nouveaux plans d’eau temporaires et permanents.
- Assure un suivi des espèces liées au milieu humide pour lesquels l’État porte une responsabilité particu- lière.
- Intègre des mesures de promotion des amphibiens dans la planification directrice des forêts
MESURE 5
Déterminer l’espace réservé aux eaux (ERE) de façon contraignante et surveillance accrue de son respect
Problématique
La loi fédérale sur la protection des eaux ainsi que son ordonnance obligent les cantons à déterminer l’espace nécessaire aux eaux superficielles, indispensable pour garantir les fonctions naturelles fondamentales des eaux (art. 36a LEaux). En déterminant l’espace réservé aux eaux, il s’agit non seulement d’assurer la protection contre les crues, mais également de mieux protéger la biodiversité et la qualité de l’eau. L’espace réservé aux eaux est un corridor, constitué d’un fond du lit naturel et des deux zones littorales.
Les cantons sont tenus de déterminer l’espace nécessaire aux eaux superficielles d’ici à fin 2018 dans leurs plans directeurs et d’affectation ainsi que dans leur planification spécifique (voir à ce sujet l’art. 36a LEaux et l’art. 1 des dispositions transitoires de l’OEaux). Aussi longtemps que le canton n’a pas déterminé définitivement l’espace réservé aux eaux, des dispositions transitoires rigides et défavorables régissent les projets de construction (cf. al. 1 des dispositions transitoires relatives à la modification du 4 mai 2011).
Situation dans le Canton de Fribourg
Le Canton de Fribourg a pris du retard dans la détermination de l’ERE. Les données pour tous les cours d’eau fribourgeois ont été mises à disposition des communes seulement ce printemps 2021. Néanmoins, pour que l’ERE soit contraignant, il faut l’inscrire dans le plan d’aménagement communal (PAL). Cette inscription est fondamentale car c’est l’étape obligatoire pour imposer les règles d’utilisationen lien avec l’agriculture. Notamment, et comme relaté dans le document « Espace réservé aux eaux et agriculture — Information sur les aspects contraignants pour l’exploitation agricole Avril 2019 », dans l’ERE, seules les surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) sont autorisées (prairies extensives, surfaces à litière, prairies riveraines d’un cours d’eau, pâturages extensifs, haies, bosquets champêtres et berges boisées). De plus, l’usage d’engrais ou de produits phytosanitaires est interdit dans l’espace réservé aux eaux.
Etant donné que l’espace réservé aux eaux n’est pas encore délimité pour toutes les communes, et afin de garantir une équité de traitement, les restrictions ne sont pas encore « imposées » de manière proactive. Des discussions avec le Service de l’agriculture et les milieux concernés sont actuellement en cours pour définir les modalités du passage à l’extensif (qui fait quoi, quand, comment). Dans une première étape l’accent sera mis sur l’information, la vulgarisation et l’encouragement des démarches volontaires. Des solutions pratiques pour la mise en œuvre dans le terrain pourront être développées dans le cadre de projets pilotes.
Dans le bilan intermédiaire de juin 2016 concernant la mise en œuvre des mesures du rapport « Agriculture et environnement 1996-2006 » le canton souhaitait encourager les communes à exercer leur devoir de contrôle afin de permettre de sanctionner les mauvaises pratiques. Or, en 2016, les communes n’avaient pas encore été contactées car d’après les services « il est difficile de mettre en place un système quand le Conseil communal peut changer tous les 5 ans » (!).
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Exige que l’ERE soit inscrit dans tous les PAL concernés et qui n’ont pas encore été révisés. Il est important que l’ERE soit obligatoire et contraignant pour imposer notamment les règles d’utilisation en lien avec l’agriculture.
- Dote les services cantonaux des moyens financiers et en personnel suffisants pour pouvoir surveiller les bonnes pratiques dans l’ERE et dénoncer convenablement le non-respect des règles associées à l’utilisation de l’ERE.
MESURE 6
Réduire les émissions d’ammoniac
Problématique
Les émissions d’ammoniac polluent l’environnement et plus particulièrement les écosystèmes proches de l’état naturel. L’agriculture à elle-seule est responsable de 93% des émissions totales d’ammoniac en Suisse.
Une fois émis, l’ammoniac est transporté sur des distances plus ou moins grandes et transformé, avant de se déposer plus ou moins loin des sources d’émissions. Ce phénomène a pour conséquence une surfertilisation (eutrophisation) et une acidification des écosystèmes, tels que les forêts, les prairies et les pâturages secs ainsi que d’autres milieux naturels riches en espèces comme les hauts et bas-marais, les landes, les plans et cours d’eau. L’ammoniac porte gravement atteinte à ces écosystèmes, en impactant négativement la biodiversité (perte de biodiversité végétale et animale, perturbation de la structure et des fonctions des écosystèmes.
Selon les critères de la Commission économique pour l’Europe des Nations Unies (2010), les concentrations critiques d’ammoniac sont de 1 μg/m3 pour les écosystèmes et de 3 μg/m3 pour la végétation.
La Loi sur la protection de l’environnement (LPE) exige qu’indépendamment des nuisances existantes, il importe à titre préventif de limiter les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation, pour autant que cela soit économiquement supportable (art. 11 al. 2 LPE). La LPE prévoit également de limiter plus sévèrement les émissions s’il s’avère ou s’il y a lieu de présumer que les atteintes, eu égard à la charge existante de l’environnement, seront nuisibles ou incommodantes (immissions excessives) (art. 11 al. 3 LPE).
Situation dans le canton de Fribourg
La carte ci-dessous montre que les concentrations d’ammoniac pénétrant les sols sont largement supérieures aux concentrations critiques susmentionnées dans les zones d’exploitation agricole intensive du sud du canton.
Protection de l’air - Plan de mesures 2019 – SEn (p. 12)
Le Plan de mesures pour la protection de l’air adopté par le Conseil d’Etat en novembre 2019 comporte des règles pour l’ammoniac. Ce plan ne vise malheureusement pas un objectif de réduction, contrairement à la Stratégie fédérale de protection de l’air de 2009, qui fixe un objectif de réduction des émissions d’environ 40 % par rapport à 2005. Le plan de mesures fribourgeois mise uniquement sur l’information du potentiel technique de diminution des émissions d’ammoniac lors de la construction de nouvelles étables ou de transformations conséquentes, ainsi que sur la recommandation d’aliments appauvris en azote ou la couverture des installations de stockage de lisier. Les mêmes mesures sont citées depuis bientôt 20 ans et aucune mesure n’est contraignante! Le problème et les solutions sont connues déjà depuis longtemps. C’est en effet ce qui ressort du Rapport agriculture et environnement 1996-2006, ainsi que du bilan du Service de l’environnement concernant la mise en œuvre des mesures du plan de mesures « Air » de 2007. L’objectif de réduction des émissions totales d’ammoniac n’a pas été atteint dans le canton en raison du nombre important de grandes installations d’élevage (notamment poulaillers) construites ces dernières années et qui n’ont pas été destinées à remplacer les anciennes installations d’élevage. L’observation des immissions ne montre actuellement pas une tendance à la baisse.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Applique l’objectif de réduction fixé par l’OFAG et l’OFEV, à savoir réduire de 40% les rejets d’ammoniac.
- Applique systématiquement les consignes de l’OFEV (Évaluation sur la base des charges et niveaux critiques en relation avec l’élaboration des plans de mesures cantonaux-OFEV-2020) et respecte la législation fédérale.
- Renseigne régulièrement et publiquement sur les mesures prises et les réductions des émissions d’ammoniac via le Rapport agricole quadriennal, entre autres.
MESURE 7
Mettre en place des outils pour améliorer la qualité des surfaces de promotion de la biodiversité (SPB)
Problématique
Dans le but de freiner la perte de biodiversité engendrée par l’agriculture intensive, la Confédération a initié le système des surfaces de promotion de la biodiversité (SPB) en 1990. Ce système a été renforcé par le programme de mise en réseau en 2001. Pour percevoir des paiements directs, les agriculteurs doivent mettre en place des mesures favorisant les espèces-cibles et caractéristiques. Celles-ci sont définies dans les « Objectifs environnementaux pour l’agriculture » (OEA) et les subventions sont plus élevées lorsque les critères qualitatifs sont remplis (QII). Malheureusement, ces instruments ne sont pas parvenus à freiner le déclin de la biodiversité. Le constat est éloquent : les oiseaux insectivores du milieu agricole ont vu leurs effectifs diminuer de 60% entre 1993/96 et 2013/16.
L’Ordonnance sur les paiements directs versés dans l’agriculture (OPD) pose les exigences de base en matière de compensation écologique que les cantons sont chargés d’appliquer. Les disparités d’application cantonale se font ressentir.
Les experts relèvent que les SPB ratent leur cible car, trop souvent, les mesures mises en place ne ré- pondent pas aux besoins des espèces qu’elles sont censées favoriser. Cela s’observe particulièrement dans les cantons dont les directives d’application présentent des faiblesses – typiquement des objectifs qualitatifs trop généraux – et où les connaissances de l’état actuel des populations d’espèces-cibles et caractéristiques sont lacunaires. La situation est beaucoup plus réjouissante dans les cantons où des instruments financiers et légaux ont été mis en place pour soutenir la création de surfaces de qualité répondant aux besoins des espèces-cibles et caractéristiques et pour effectuer un suivi de ces dernières.
Situation dans le Canton de Fribourg
L’État de Fribourg s’en tient au minimum légal dans ses directives et n’offre aucun soutien financier. Ceci n’encourage pas les agriculteurs à s’engager réellement pour la biodiversité. Dans son rapport agricole de 2019, le canton de Fribourg relève que l’objectif premier n’est plus aujourd’hui d’accroitre les surfaces de promotion de la biodiversité, mais d’en augmenter la qualité. En effet, seul 2,5% des surfaces agricoles utiles (SAU) ou 19% des SPB atteignent la Q II, ce qui est largement inférieure à la moyenne nationale et loin des objectifs de 40% des SPB fixés dans la Politique agricole 2017-2021 et de 5% des SAU fixé dans l’OPD.
Il n’est dès lors pas surprenant que situation dans le canton de Fribourg soit particulièrement alarmante, comme l’illustre la carte ci-après.
Pour rattraper son retard, il est urgent que le canton de Fribourg mette tout en œuvre pour améliorer
la qualité du conseil aux agriculteurs, un aspect trop souvent négligé pour des raisons financières. Il a
été démontré que dans les cantons qui contribuent financièrement aux coûts de conseil et mettent des conditions-cadre supplémentaires pour l’octroi de subventions cantonales, la qualité des surfaces de promotion de la biodiversité est sensiblement plus élevée et leur impact sur les espèces-cibles réel. Au contraire, dans le canton de Fribourg, on observe actuellement que les mesures faciles à mettre en place sont quasi systématiquement choisies, au détriment des mesures efficaces et adaptées aux espèces-cibles. Le canton de Fribourg ne respecte donc pas les exigences légales édictée dans l’OPD.
Il est également essentiel que le canton effectue ou soutienne le suivi des espèces OEA, afin d’évaluer l’effet des mesures implémentées et de corriger le tir là où cela est nécessaire. Chaque mesure non pertinente équivaut à un gaspillage de l’argent du contribuable !
La politique agricole 22+ ayant été gelée par le Parlement, le système actuel de SPB et de mise en réseau sera maintenu au moins jusqu’en 2025. Plutôt que d’adopter une attitude attentiste, il est du devoir du canton de Institut ornithologique suisse : le déclin des espèces OEA y est l’un des plus marqués à l’échelle nationale tout mettre en œuvre au cours des quatre années à venir pour améliorer la qualité des surfaces existantes. Le déclin des espèces est alarmant à l’échelle cantonale et la biodiversité ne peut pas souffrir quatre années supplémentaires d’inaction.
Source : Institut ornithologique suisse « Atlas des oiseaux nicheurs de Suisse 2013-2016 »
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Finance le conseil aux agriculteurs et s’assure que chaque agriculteur bénéficie d’un service de conseil personnalisé.
- Encourage financièrement la mise en place de petites structures et leur entretien.
- Requiert et finance le suivi des espèces faunistiques et floristiques indicatrices afin d’évaluer l’impact effectifs des mesures prises.
- Met en place au moins un programme de promotion d’une espèce menacée - p.ex. l’alouette des champs.
- Exige un minimum de 5% de surfaces de compensation écologique (SCE) dans les zones de grandes cultures déficitaires.
- Revoit sa législation cantonale et ses directives pour la période 2022-2025, afin d’assurer le respect des exigences de l’OPD.
- Communique l’avancement des objectifs environnementaux dans son rapport Agriculture périodique et le rend public.
MESURE 8
Créer de nouvelles zones de tranquillité et mettre en oeuvre les restrictions d’accès existantes
Problématique
Les activités de loisirs et sportives en extérieur se multiplient et de plus en plus de Suisses s’y adonnent, entrainant une augmentation de la pression sur la faune et les biotopes sensibles. Il est urgent et essentiel de délimiter des zones protégées où l’accès du public est interdit ou fortement réglementé.
Néanmoins, même les zones protégées ne sont pas exemptes de dérangements, et cela malgré l’existence de règles strictes et claires. Deux phénomènes s’observent en parallèle. D’une part les règles en vigueur dans toutes les zones protégées (les districts francs, les réserves d’oiseaux d’eau et de migrateurs, les zones de tranquillité, les réserves forestières, etc.) sont souvent mal connues des différents usagers. D’autre part, une partie de la population les ignore sciemment. En effet, dans certaines régions, les représentants des auto- rités sont trop peu présents sur le terrain et les bases légales existantes ne peuvent pas être correctement mises en œuvre.
Un autre problème émergent est celui du développement rapide de nouvelles activités de loisir. La pratique du VTT, par exemple, se développe rapidement mais les législations y relatives sont lacunaires avec de grandes disparités entre cantons.
La protection contre les dérangements est un principe inscrit dans plusieurs lois et ordonnances fédérales et cantonales relatives aux différents types de zones protégées. Entre autres, la loi sur la chasse et la pro- tection des espèces mammiféres et oiseaux sauvages stipule que les cantons doivent assurer une protection suffisante des mammifères et des oiseaux sauvages contre les dérangements. De nombreux instruments ont déjà été définis pour atteindre cet objectif (p.ex. l’OROEM). C’est leur mise en œuvre qui fait défaut.
Situation dans le Canton de Fribourg
Dans sa planification directrice des forêts, le canton s’est engagé à étudier la création de nouvelles zones de tranquillité à l’horizon 2021. Pour l’instant ce travail n’a pas été réalisé, ou du moins pas communiqué. Les futures zones de tranquillité doivent répondre aux besoins des espèces menacées pour lesquelles le canton de Fribourg porte une responsabilité particulière.
Le canton de Fribourg fait figure de mauvais élève à l’échelle nationale. Actuellement une seule zone de tranquillité a été délimitée dans le canton de Fribourg, celle de la Berra. En comparaison, des dizaines de telles zones existent déjà dans les cantons de Vaud et de Berne. Le canton de Fribourg se doit de rattraper son retard, car la création de zones de tranquillité fait partie intégrante de la protection des espèces.
Les règles en vigueur ne sont que partiellement appliquées par les autorités et les usagers. Les contrevenants sont nombreux, entre autres à la Berra, d’une part en raison de la méconnaissance des règles en vigueur et d’autre part en raison d’une présence insuffisante des représentants des forces de l’ordre sur le terrain.
Des contrôles plus fréquents doivent être effectués – ce qui nécessite plus de moyens humains. Bien que des efforts de sensibilisation restent essentiels, les infractions doivent être systématiquement dénoncées et les sanctions encourues doivent être plus sévères et proportionnelles aux dommages potentiellement causés
à la biodiversité. Ces dommages doivent être clairement explicités, p.ex. : destruction ou détérioration de biotopes protégés, pollutions, mise en péril des services écosystémiques.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Présente sa stratégie pour la délimitation de nouvelles zones de tranquillité et établit une liste de sites potentiels d’ici la fin 2021.
- Délimite au minimum deux nouvelles zones de tranquillité au cours de la législation à venir, dont au moins une sur le Plateau.
- Engage plus de moyens (humains et financiers) pour assurer le respect des restrictions en vigueur dans les différentes zones protégées,au travers par exemple la formation et l’engagement de gardes-nature.
- Revoit le système de sanctions, afin que les atteintes aux biotopes et les dérangements à la faune soient punis systématiquement et proportionnellement à leur gravité et en fonction des récidives.
- Édicte une législation claire concernant les nouvelles activités sportives, entre autres la pratique du VTT.
- Développe un concept pour renforcer la sensibilisation des différents usagers (clubs sportifs et de loi- sir, détenteurs de chiens, partenaires touristiques) aux règles en vigueur dans les zones protégées et aux sanctions encourues.
MESURE 9
Réduire la pollution lumineuse et ses impacts
Problématique
La pollution lumineuse est un excès nocturne de production lumineuse en milieu ouvert, d’origine humaine et provoquant des effets indésirables sur les écosystèmes et les individus.
En Suisse, les émissions lumineuses dirigées et reflétées ont plus que doublé entre 1994 et 2012.
Plus grave encore, les zones sombres sans éclairage ne couvraient que 28% du territoire national en 1994 et cette proportion s’était réduite à 18% en 2009. Sur le plateau suisse, plus aucun kilomètre carré d’obscurité nocturne ne subsiste depuis 1996, il en est de même dans le Jura depuis 2008.
Cette dégradation se poursuit, l’intensité lumineuse moyenne a augmenté de 1,1% en 2019 par rapport à l’année précédente. En parallèle, les zones d’obscurité nocturnes ont diminué de 2,3%.
Ces émissions ont des conséquences environnementales fortes sur plusieurs groupes d’animaux. La pol- lution lumineuse peut affecter les rythmes biologiques, les activités nocturnes et les migrations. Les chauves-souris, les insectes, les oiseaux et les amphibiens sont particulièrement touchés. L’apparition des éclairages publics date d’il y a 150 ans. Cette modification profonde est très récente à l’échelle de l’évolution. Beaucoup d’êtres vivants, habitués à l’alternance jour-nuit ne s’adaptent pas rapidement à ce changement brusque.
Sur les trente espèces de chauves-souris présentes en Suisse, toutes protégées par la loi sur la protection de la nature et du paysage (LPN) et son ordonnance, près de la moitié figurent sur la liste rouge des espèces menacées. La plupart des espèces étant très sensibles à la lumière, la pollution lumineuse fragmente leurs habitats, diminue les terrains de chasse et limite les échanges entre populations ce qui nuit au brassage géné- tique. L’éclairage des bâtiments servant de gîtes de mise-bas en été est également une problématique impor- tante car elle diminue l’offre d’habitats ainsi que les chances de survie des jeunes.
Les lumières artificielles attirent un grand nombre d’insectes nocturnes et représentent un danger important pour la survie de leur population. Au lieu de se nourrir et de se reproduire, ces insectes sont attirés hors
de leur habitat naturel par la lumière et volent autour des sources lumineuses jusqu’à la mort (épuisement, prédation, brûlures). Durant les mois d’été, il est estimé que chaque lampadaire tue environ 150 papillons de nuit, ce qui représente pour la Suisse plusieurs milliards d’insectes par année, dont certaines espèces menacées.
Le rythme biologique des oiseaux est fortement lié aux cycles et durée du jour et de la nuit. A proximité d’une source lumineuse artificielle, ce rythme est perturbé et peut avoir des conséquences importantes (anticipation du chant, reproduction précoce engendrant une augmentation de la mortalité des jeunes, etc.). Une grande partie des oiseaux migrateurs effectuent leurs trajets de nuit. Ils se dirigent notamment à l’aide des étoiles, dès lors, l’éclairage artificiel perturbe leur orientation. Les halos lumineux créés au-dessus des agglomérations les dévient de leurs routes naturelles avec diverses conséquences négatives (trajets rallongés, épuisement, impact avec les bâtiments, etc.).
Les amphibiens sont nocturnes et la lumière artificielle perturbe fortement leur activité (chasse notam- ment). La plupart des espèces ont évolué sous une illumination nocturne très faible et ont dès lors développé des adaptations à cet environnement, notamment une vision nocturne très sensible. La présence de lumières artificielles a pour conséquence de réduire significativement le succès reproducteur.
Chez les humains, la lumière à des effets chronobiologiques. Le rythme circadien de la veille et du sommeil est en grande partie déterminé par la lumière naturelle. La pollution lumineuse peut altérer les rythmes bio- logiques et troubler le sommeil. La perturbation de ces cycles peut avoir divers effets néfastes sur la santé. Sur le plan économique, elle conduit à des dépenses inutiles quand la lumière produite est dirigée vers le ciel, ce qui en réduit par ailleurs la visibilité. La dépense énergétique est également à prendre en considération.
L’éclairage public est le principal facteur engendrant de la pollution lumineuse, une grande partie de la lu- mière créée est envoyé vers le ciel, laquelle se diffuse dans toutes les directions, créant un halo - comme l’illustre le schéma ci-dessous.
En Suisse, le cadre légal régissant la limitation des émissions lumineuses se trouve dans la loi sur la protection de l’environnement (LPE) dont le but est de protéger l’homme et l’environnement contre les atteintes nuisibles ou incommodantes. Les installations d’éclairage doivent satisfaire au principe de la limitation pré- ventive des émissions et ne peuvent induire d’effets nuisibles ou incommodants.
Situation dans le Canton de Fribourg
Le canton de Fribourg n’a, à ce jour, pas de politique claire de réduction de la pollution lumineuse. La loi sur l’énergie (Len), entrée en vigueur le 1er janvier 2020, consacre un article (art. 15a) à la problématique de l’éclairage, principalement sous l’angle énergétique. L’art. 15a al.2 précise que «l’exploitation des éclairages doit être respectueuse de l’environnement» et l’art. 15a al. 4 interdit expressément «les éclairages diffusant de la lumière vers le ciel ou illuminant le paysage», des exceptions limitées dans le temps pouvant être autori- sées par les communes.
Enfin, l’art. 15a al. 5 réserve la possibilité pour les communes de «fixer par voie de règlement des exigences particulières relatives à l’efficacité énergétique, la luminosité et les heures de fonctionnement destinées aux éclairages».
Actuellement, des initiatives locales semblent voir le jour mais elles dépendent principalement du bon vou- loir des communes et acteurs locaux.
Il existe encore des zones d’obscurité nocturne dans les Préalpes ; ces zones sont à maintenir et sécuriser. Le parc naturel régional du Gantrisch, qui englobe 21 communes bernoises et une commune fribourgeoise, est devenu le premier parc aux étoiles de Suisse. Il doit recevoir en 2021 sa certification internationale «Dark Sky Park».
Les deux plus grandes agglomérations cantonales, Fribourg et Bulle, se penchent sur la problématique de la pollution lumineuse. Un «plan lumière» est en cours d’élaboration en ville de Fribourg. Ce plan doit per- mettre à la commune d’avoir une vue d’ensemble de l’éclairage artificiel sur son territoire. L’objectif à terme est de définir une politique d’éclairage répondant aux enjeux de chaque zone géographique. La ville de Bulle a édicté une directive visant à assurer une meilleure intégration des enseignes et réclames sur le territoire communal. La ville demande à tous les commerces d’éteindre l’éclairage de leurs vitrines et de leurs en- seignes lumineuses de 23h à 6h. Cette directive n’est toutefois pas contraignante en tant que tel pour les tiers.
La question des enseignes publicitaires lumineuses et de l’éclairage nocturne des vitrines est un sujet impor- tant. Ce domaine est régi par la loi cantonale sur les réclames (LRec) datant de 1986. Son contenu est très général et une révision prenant en compte cette problématique s’impose.
Quelques communes du canton ont adopté un éclairage dynamique (les luminaires s’allumant au passage des usagers), il s’agit d’Estavayer, Romont ou encore Châtillon.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Établit une cartographie de l’éclairage nocturne et de ses conséquences sur la biodiversité dans le canton.
- Définit des objectifs clairs de réduction de la pollution lumineuse sur le territoire cantonal et participe activement à leur mise en œuvre sur la base de l’aide à l’exécution rédigé par l’Office fédéral de l’environ- nement (OFEV).
- Met en place des outils de planification contraignants prenant en compte la problématique de la pollu- tion lumineuse.
- Encourage et soutient les communes dans l’élaboration de «Plans lumières».
- Soutient la création de «couloirs noirs» permettant à la faune de se déplacer dans l’obscurité.
- Révise la loi cantonale sur les réclames (LRec) en prenant en compte la problématique de la pollution lumineuse. Une réduction drastique, voire une interdiction, des enseignes publicitaires lumineuses est attendue.
- Supprime les éclairages extérieurs sous sa juridiction qui n’ont pas de fonction de sécurité.
- Se dote des moyens financiers et humains suffisants pour accomplir ces tâches et en assurer le suivi.
MESURE 10
Mettre en œuvre le volet paysager de la LPNat par le canton et les communes
Problématique
La loi cantonale sur la protection de la nature et du paysage (LPNat) confie aux autorités cantonales la tâche de fixer les lignes directrices en matière de protection, de gestion et d’aménagement des paysages. La LPNat a pour but de préserver et promouvoir la richesse et la diversité des patrimoines naturel et paysager du canton, en tant qu’éléments clés du développement durable. La loi fixe deux objectifs généraux spécifique au paysage : ménager l’aspect caractéristique du paysage et à préserver les géotopes, et encourager les efforts fournis dans le domaine de la protection de la nature et du paysage par les particuliers ainsi que par les milieux et organisations intéressés.
La LPNat confie aux autorités cantonales la tâche de fixer dans son plan directeur cantonal (PDCant) les lignes directrices en matière de protection, de gestion et d’aménagement des paysages et de désigner les paysages d’importance cantonale (PIC). L’inventaire des PIC constitue une étude de base de référence pour la politique paysagère cantonale. Il complète l’inventaire fédéral des paysages, sites et monuments naturels (IFP).
La LPNat demande aux autorités communales de compléter les inventaires fédéraux et cantonaux et dési- gner les objets d’importance locale et d’assurer, dans leur plan d’aménagement local, une protection, une gestion ou un aménagement approprié des objets concernés, conformément aux principes fixés dans le plan directeur.
- La mise en œuvre des objectifs vise trois types d’actions, avec des niveaux différents :
- La protection : conserver, maintenir, préserver les aspects significatifs ou caractéristiques du paysage.
- La gestion : entretenir le paysage et guider et orienter son évolution afin d’harmoniser les transforma- tions induites par les évolutions sociales, économiques et environnementales. On agit surtout via les outils de la planification territoriale.
- L’aménagement : mettre en valeur, restaurer, restituer, renaturer, recréer et créer (action prospective et proactive).
La délimitation d’une zone spécifique de protection représente le principal moyen pour concrétiser le principe de préservation du paysage au stade de l’affectation du sol. Elle permet de garantir la protection effective des parties du territoire désignées au stade de l’élaboration des plans directeurs et qui se dis- tinguent par leur beauté ou leur valeur, ont une importance pour le délassement ou exercent une fonction écologique marquante. La zone à protéger constitue l’instrument d’aménagement du territoire nécessaire pour garantir la participation adéquate de la population, des collectivités et des organisations de protec- tion de la nature et du paysage, tout en assurant la coordination avec les autres intérêts de l’aménagement du territoire.De plus, outre la protection des paysages au sens strict, les communes peuvent, par le biais de la zone à protéger, prévoir des règles relatives à la gestion et l’aménagement appropriés des paysages.
Situation dans le Canton de Fribourg
La LPNat a été acceptée en 2014, mais ses effets sur le nouveau PDCant de 2019 sont restés lettres mortes. Bien peu de communes ont intégré des zones spécifiques de protection du paysage dans leur PAL. Le Canton semble s’être concentré sur l’élaboration PIC, qui ne concerne qu’un nombre restreint de communes et ne couvre qu’une partie du territoire (surtout dans la zone des Préalpes fribourgeoises au détriment du Plateau). Douze objets PIC ont été définis dans l’inventaire cantonal. Les fiches d’objet de l’inventaire fixent deux éléments qui seront de nature liante dans le PDC :
- Les objets spécifiques liés aux caractéristiques paysagères propres à chaque paysage
- Le périmètre de chaque PIC.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Effectue l’inscription des PIC au PDCant le plus rapidement possible et veille à ce que la mise en œuvre des PIC par les communes soit assurée
- Adapte au plus vite la thématique « paysage » du PDCant en fonction des PIC.
- Met en œuvre le volet paysager de la LPNat, en particulier en exigeant des communes qu’elles délimitent des zones spécifiques de protection dans leur plan d’aménagement local (PAL).
- Assure aux communes concernées une aide financière appropriée afin de leur permettre la mise en œuvre rapide des PIC et l’adaptation rapide de leur PAL et des PIC.
- Se dote de moyens financiers et en ressources humains pour aider les communes à l’adaptation de leur PAL, la mise en œuvre des PIC et assurer le suivi de la gestion.
MESURE 11
Soutenir une culture du bâti de qualité - construire le patrimoine de demain
Problématique
La culture du bâti englobe toutes les actions qui transforment notre espace de vie.
En 2018, sous la houlette du président de la Confédération Alain Berset, les ministres européens de la culture, les Etat signataires de la Convention culturelle européenne, les représentants de nombreux organismes ont adopté la Déclaration de Davos pour une culture du bâti de qualité en Europe. Le message relève entres autres aspects, la perte de la qualité de l'environnement bâti et des paysages, une banalisation du bâti, un manque d'intérêt pour la durabilité, une détérioration du tissu historique (davosdeclaration2018.ch). Dans son message culture 2021-2024, la Confédération indique vouloir contribuer à l'amélioration de l'environnement bâti par des mesures appropriées dans le domaine de la culture du bâti. Elle relève que le terme "culture du bâti" regroupe les domaines de la protection du patrimoine et des monuments historiques ainsi que la créationcontemporaine qui transforme notre espace vital (Message concernant l'encouragement de la culture pour la période 2021-2024, point 3.5). Pratiquer la culture du bâti, c'est préserver notre patrimoine, contribuer aux objectifs de développement durable et construire le patrimoine de demain. Dans le sillage de la volonté politique, la Fondation Culture du bâti en Suisse a été créé au printemps 2020.
Situation dans le canton de Fribourg
Le canton de Fribourg est régulièrement cité pour sa gestion chaotique du territoire. L'invalidation en 2020 des plans d'aménagement de 57 communes par le Tribunal fédéral en est un exemple marquant. Le scénario démographique le plus élevé choisi par le Grand Conseil en février 2016 influence les planifications communales en favorisant un développement immodéré du territoire. Les nouvelles zones urbaines sans relation au lieu construit ou naturel, le développement "dans tous les sens" des villages, Le Bry, Corbières, Vuisternens-en-Ogoz, pour ne citer que ces exemples, les interventions ne respectant ni l'histoire, ni le contexte d'un site banalisent notre espace de vie. La qualité des espaces publics et naturels diminue, plus qu'ailleurs en Suisse. Le manque de planification urbanistique accentue le phénomène.
Alors que le canton et certaines collectivités publiques font de gros efforts pour livrer des bâtiments de qualité, Ecole professionnelle artisanale et industrielle (EPAI), bâtiment de la Police de Granges-Paccot, l'école des métiers de Fribourg, écoles d'Estavannens, Orsonnens, centre de village de Cressier entres autres, le bilan global reste peu reluisant car la construction répond le plus souvent à une logique mercantile, faisant fi de laconsidération contextuelle assurant une qualité culturelle au sens le plus large.
Revendications des ONG
L'État de Fribourg :
- Favorise la culture du bâti, utilise tous les moyens à sa disposition pour parvenir à ce but, soutient et supervise la qualité des planifications communales pour l'atteindre, notamment par rapport à l'aspect contextuel.
- Créé dans ses services, avec l'appui de commissions externes professionnelles une unité qui défend, promeut et contrôle la culture du bâti.
- Formule et impose des critères de qualité, non seulement pour ses propres projets, mais aussi pour les projets communaux et privés. Ces critères de qualité touchent non seulement la construction mais aussi leur intégration dans le paysage et les tissus construits. Il est doté d'un budget à la hauteur du défi!
- Assure la qualité du bâti par la mise en concurrence des idées, dont le concours d'architecture ouvert.
- Stimule la création d'Eco-quartiers afin d'atteindre les objectifs de la stratégie climatique de la Confédération. Prend exemple sur des réalisations réussies en Suisse et à l'étranger.
- Applique le système des plus-values perçues sur les bénéfices de la densification pour financer des infrastructures d'intérêt public de qualité.
- Joue un rôle de conseiller et d'aide auprès de tous les acteurs concernés.
- Instaure un prix cantonal de la culture du bâti.
MESURE 12
Protéger activement le patrimoine
Problématique
La protection de la nature et du patrimoine est du ressort des cantons, selon art. 78 de la Constitution fédérale. L’Etat contribue à la protection du patrimoine culturel en participant à la conservation et à la mise en valeur de ce patrimoine (Loi sur les Affaires culturelles, art. 4. al 2), les communes sont quant à elles responsables du respect de la réglementation en vigueur pour les biens culturels protégés situés sur leur territoire. Le patrimoine culturel bien préservé est un avantage pour le bien-être de la population et un atout touristique important. Les choix de mise en œuvre de la densification par les autorités responsables dans le canton de Fribourg exercent une pression forte sur le patrimoine et sa conservation.
Le respect du patrimoine et l’analyse du contexte ne contrarient aucun intérêt économique, mais té- moignent de l’effort culturel accompli. L’augmentation constante des immatriculations de véhicules privés pose le problème de l’aménagement des villes anciennes et de leur accès.
Situation dans le Canton de Fribourg
Le canton de Fribourg compte un grand nombre de bâtiments protégés ou recensés. A cela s’ajoutent quantité de bâtiments non protégés qui participent pourtant à la valeur d’ensembles construits : sites
ISOS (inventaire fédéral des site construits d’importance nationale à protéger en Suisse), villes, villages, hameaux etc. D’autres, protégés ou non, hors des ensembles bâtis, façonnent notre paysage caractéristique et contribuent pour une grande part à notre identité culturelle : fermes, granges, fenils, chalets d’alpage, ruchers etc.
Le visage de nos villes, campagnes et paysages se modifie rapidement, non seulement à cause des constructions récentes, mais aussi avec des rénovations peu adéquates qui font perdre la substance historique et dénaturent l’aspect extérieur des bâtiments anciens. Les rénovations énergétiques jouent un rôle important dans ce contexte. Le travail sur la rénovation énergétique (eREN) mené par la Haute école d’ingénierie et d’architecture Fribourg met à disposition des outils d’aide pour atteindre la stratégie énergétique 2050 de la Confédération. Il propose une approche globale et interdisciplinaire pour les projets de rénovation d’enveloppes de bâtiments, cherchant un équilibre entre efficience énergétique, protection des valeurs urbaines, architecturales et patrimoniales (www.smartlivinglab.ch).
L’installation de panneaux photovoltaïques et capteurs solaires relève du défi lorsqu’il s’agit d’intervenir sur des bâtiments ou des ensembles de haute valeur patrimoniale.
Les projets de parkings et constructions souterraines en milieux historiques sont aussi une thématique à prendre au sérieux, tant ils peuvent modifier et dénaturer des périmètres d’importance nationale inscrits à l’inventaire ISOS.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Augmente à 5 millions par année les subventions pour la rénovation du patrimoine et pour une rénovation énergétique intelligente de celui-ci, figées à 1,7 millions depuis des décennies.
- Développe le photovoltaïque et le solaire thermique en priorité sur les bâtiments non-protégés.
- Autorise l’installation des panneaux photovoltaïque et capteurs solaires sur les bâtiments situés dans les périmètres ISOS uniquement lorsque leur mode de pose et leur emplacement précis n’entre pas en contradiction avec les objectifs de protection. Une attention particulière est portée à la protection des bourgs médiévaux dont la vieille ville de Fribourg.
- Empêche les constructions souterraines dans les milieux caractérisés par des bâtiments historiques et dans les sites ISOS caractéristiques.
- Investit des fonds supplémentaires pour la formation des architectes et de tous les acteurs de la construction concernés.
- Valorise et promeut les architectes, artisans et propriétaires qui effectuent des rénovations de qualité. Mène des actions régulières pour sensibiliser les propriétaires, le public et les élus.
- Inclut dans la formation des futurs agriculteurs à l’Institut agricole de Grangeneuve (IAG) un cours d’architecture vernaculaire.
- Offre un service de conseils, sous l’égide du Service des biens culturels, pour tous les projets de rénovation sensibles de bâtiments historiques, en lien étroit avec le Centre de compétence en matière de rénovation des bâtiments (Service de l’énergie et la Promotion économique).
MESURE 13
Décréter un moratoire sur le développement des infrastructures routières
Problématique
En Suisse, les transports sont le premier ennemi du climat. Ils produisent 33% des gaz à effet de serre, sans compter le trafic aérien international en partance de la Suisse. Les coûts qui en résultent pour l’environnement, la société, et les générations futures sont énormes.
Les Suisses et les Suissesses sont très mobiles : en moyenne, nous parcourons chaque jour 36.8 kilomètres, dont deux tiers en voiture. Près de 80% des ménages suisses possèdent en effet un véhicule particulier. Ainsi, les transports sont le premier émetteur de gaz à effet de serre en Suisse. Environ un tiers de ces émissions proviennent des transports, dont deux tiers sont à imputer aux voitures privées.
Emission de gas à effet de serre par secteur en million de tonnes CO2 équivalent - Source : ww.wwf.ch
Situation dans le Canton de Fribourg
La situation est encore plus dramatique dans notre canton. Selon le microrecensement 2015, avec une distance journalière moyenne de 45.6 km et une part modale du trafic individuel motorisé de 74.2% de la distance journalière, Fribourg se retrouve parmi les cantons avec les valeurs les plus hautes. La majorité des déplacements sont liés aux loisirs (40%) et au travail (24%).
Dans ce cadre, il est inconcevable que l’État de Fribourg envisage d’investir massivement dans le développement des infrastructures routières :
- Marly – Matran : un projet pharaonique qui devrait coûter bien plus de 300 millions pour construire 4 ponts au-dessus d’une zone protégée d’importance cantonale, avec une solution cyclable de seconde zone et aucun transport public, alors même que les flux de circulation actuel ne justifient absolument pas la construction de cette route.
- Les routes de contournement de Romont, Kerzers/Chiètre et Prez-vers-Noréaz.
Revendications des ONG
L’État de Fribourg :
- Gèle immédiatement le développement des infrastructures routières, y compris les constructions prévues par l’Office fédéral des routes (OFROU) et délivre un message clair de volonté de transfert modal, notamment au travers de sa nouvelle Loi sur la mobilité.
- L’État lance des études pour estimer les investissements nécessaires pour offrir aux habitants, collaborateurs et visiteurs les infrastructures de mobilités alternatives et multimodales : stationnements, cheminements piétons, pistes cyclables, transports publics.
- L’État soutient les communes dans la réalisation de ces infrastructures.
- L’État investit dans le développement de l’offre des transports publics.